Alors que le 20 juillet dernier, le ministre de l’éducation Pap Ndiaye a été remplacé dans ses fonctions par Gabriel Attal, ce remaniement signe l’heure du bilan pour l’ancien ministre tant décrié.
Le changement était inévitable, depuis quelques mois le ministre Pap Ndiaye dérangeait au sein même de l’exécutif, tant à l’égard de ses prises de positions que des réformettes effectuées sous son mandat. Trop technocratique et sans connaissance du terrain, le ministre n’a pas su convaincre et encore moins prendre une suite convaincante de Jean-Michel Blanquer, dans la difficile mission de réformer efficacement le système scolaire français.
Une relation difficile avec les syndicats malgré la hausse des salaires.
Bien que la promesse sur la hausse des salaires pour les enseignants annoncée par Emmanuel Macron il y a un an a été tenue (suite à de longues négociations), les relations du ministre de l’éducation nationale avec les syndicat furent toujours compliquées, ceux-ci ayants le sentiment de voir en face d’eux un technocrate applicateur de réformes davantage qu’un ministre avec un projet précis et cohérent pour l’éducation. Ainsi, le pacte enseignant et particulièrement les missions supplémentaires associées à celui-ci furent très mal reçues par les syndicats, démontrant une méconnaissance claire des enjeux et problématiques des enseignants déjà surchargés par le travail trop souvent impayé.
Des positions contradictoires sur la laïcité.
Alors que pendant son mandat, les entorses à la loi de 2004 se sont multipliés, l’action de Pap Ndiaye sur la protection de la laïcité n’a pas été jugé convaincante, certains l’accusant même de noyer le poisson, particulièrement après sa décision d’élargir les missions du Conseil des Sages de la laïcité, instauré par Jean-Michel Blanquer en 2018. Un choix assumé par le ministre au nom de l’élargissement des missions du conseil et des objectifs scolaires afin de faire de l’école un lieu de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et prônant l’égalité femmes-hommes; une décision critiquée par beaucoup et même par Mickaëlle Paty, la sœur du professeur assassiné en 2020, au côté de l’association “unité laïque”, qui dénonce ” un choix idéologique assumé d’assassiner la laïcité“.
Sur le port du voile et de l’abaya le ministre Pap Ndiaye s’est également montré discret, trop discret même de l’avis de certains, en comparaison de son prédécesseur Jean-Michel Blanquer qui ne cachait pas son opposition aux tenues islamiques, affirmant même que «Le voile n’est pas souhaitable dans notre société». Pap Ndiaye s’est quand à lui réfugié derrière la promotion des “valeurs républicaines” auprès des élèves, presque aussi convainquant que la distribution de flyers contre les violences faites aux femmes mis en place par le gouvernement…Le ministre n’a pas su convaincre les chefs d’établissements sur le sujet, alors même que 72% d’entre eux ont constaté que certains de leurs élèves portaient des tenues dites «culturelles» ou “religieuse” et que les atteintes à la laïcité se multiplient de jour en jour.
Des désaccords avec Brigitte Macron se firent également remarqués, particulièrement sur le sujet de l’uniforme, la Première dame y étant favorable contrairement au ministre qui n’y voyait en aucun cas une réforme utile contre les disparités sociales à l’école.
Un ministre jugé trop “woke”
Finalement, c’est bel et bien les positions très progressistes et sa volonté d’instaurer un grand plan de formation des personnels à l’éducation à la sexualité au sein des établissement qui aura fait grincer des dents, particulièrement la droite nationale qui dénonça une “wokisation” du ministère et une volonté de mettre en place une propagande idéologique. Le plan de formation devait “accorder une place particulière à l’égalité filles-garçons, à la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’identité de genre ou l’orientation sexuelle réelle ou supposée, ainsi qu’à la notion de consentement”.
Ses prises de positions parfois très dures furent également très mal perçues, notamment son attaque contre Cnews qu’il accusa d’être “clairement d’extrême droite“, ce lui qui valu de nombreuses attaques et une réponse cinglante de la chaîne.
Le plan de réforme focalisant alors toutes les attentions du ministère, la lutte contre le décrochage scolaire, contre la baisse du niveau général et même contre le harcèlement scolaire furent des échecs qui ne passèrent pas au sein même de l’exécutif. Le 20 juillet dernier, Pap Ndiaye fut alors remplacé au profit de Gabriel Attal, un choix qui lui aussi fait débat, le nouveau ministre de l’éducation nationale n’ayant jamais effectué de scolarité dans un établissement public…
Quoi qu’il en soit nul doute que Pap Ndiaye aura marqué les esprits, considéré par les uns comme un idéologue trop ambitieux ou par les autres comme un propagandiste de la woke culture. Recasé en tant qu’ambassadeur de la France auprès du Conseil de l’Europe, nul doute que l’ancien ministre se complaira dans l’exercice de ses nouvelles fonctions de porte parole; de quoi limiter les dégâts…
Crédit image : Cyril ZANNETTACCI