Symposium à l’Ambassade d’Estonie J’ai eu le privilège ce jeudi 26 octobre 2023 d’être invité à l’ambassade d’Estonie à un symposium organisé par l’IEGA portant sur les enjeux de sécurité otaniens et européens dans la Baltique et l’Europe du Nord. Une occasion de revenir sur l’histoire récente et la place que prend ce pays au sein de l’Europe. L’Estonie est une nation qui peut paraitre petite par sa taille mais dont les réalités politiques, économiques et culturelles qui l’entourent en font une force à ne pas négliger.  Géographiquement et culturellement entre le monde baltique et nordique, l’Estonie est aussi un territoire d’intérêt stratégique particulier dans ce monde trouble de d’après guerre froide.  Après avoir pris son indépendance en 1991 de l’URSS, dans une série d’événements sur lesquels nous reviendrons, l’Estonie a connu un grand succès économique et diplomatique, se plaçant à l’avant garde des projets européens et atlantistes, devenant un exemple parlant de réussite libérale là où ce modèle semble peut-être, dans le reste de l’Occident, remis en question. Dans le cadre de la période mouvementée que traverse le continent Européen à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, l’Estonie, comme nous avons pu le constater durant ce symposium, entend bien devenir une force de propositions, d’initiatives et d’innovations sur le plan d’une défense commune européenne et sur les besoins de fonder une « résilience » européenne face aux risques du retour de conflits de haute intensité en Europe entre les forces otanienes et russes. Ainsi l’Estonie est souvent montrée en exemple en ce qui concerne les enjeux de cyber-sécurité et de “numérisation” de la démocratie. Ce n’est pas un hasard si Tallinn est choisie comme « capitale » otaniene des affaires cyber, en témoigne le fameux « Manuel de Tallin ».  A l’instar de son allié, la Pologne, représentée à ce symposium et avec qui l’Estonie partage, outre une ouverture baltique, son enthousiasme atlantiste et son soutien (et de ces autres voisins baltes) sans faille à l’Ukraine, l’Estonie est un de ces peuples qui au cours de l’histoire a du se battre pour son indépendance et son droit à disposer de lui même, ce qui éclaire surement sur sa position actuelle (et celle de beaucoup d’autres nations d’Europe Centrale et Orientale) de recherche d’assurances de sécurité collective, particulièrement en ce qui regarde leur proximité avec la Russie, ancien hégémon de la région, qui, de façon atavique, inquiète nombre des nations européennes du fait de l’histoire de conquête russe dont le spectre a été réanimé par les événements ukrainiens. L’Estonie, ainsi, dans son histoire, bien qu’étant habitée par les ancêtres des estoniens actuels depuis les temps immémoriaux, n’a connu que deux périodes d’indépendance entre des occupations par les Soviétiques, l’Allemagne Nazie et l’Empire Russe. La première après des années de renouveau et restaurations culturelles au XIX ème siècle durant la période du nationalisme romantique. L’Estonie, durant l’effondrement de l’Empire Russe a déclaré son indépendances fondant une démocratie que la France et l’Angleterre assisteront durant sa Guerre d’Indépendance avant que les soviets la reconnaissent en 1920 via le traité de Tartu.  Néanmoins cette indépendance originelle sera de courte durée, l’Estonie se trouvant durant la période de l’Entre deux guerres, entre les deux grands totalitarismes : soviétique et nazi qui s’accorderont durant leur Pacte germano-soviétique pour laisser l’Estonie dans la sphère d’influence de Moscou qui s’empressera en 1939 d’occuper l’Estonie et les autres pays baltes (ce qui ne sera pas reconnu par une partie non négligeable de la communauté internationale).  L’occupation soviétique du pays fut la cause de nombreuses déportations et autres crimes communs dans les zones occupées par le régime stalinien. Durant la Guerre Mondiale, l’Estonie sera aussi occupée brièvement par l’Allemagne Nazie qui y poursuivra sa politique d’extermination assistée par des Estoniens collaborationnistes, l’occupation de l’Estonie par le régime hitlerien est encore aujourd’hui un sujet de controverse en ce qui regarde l’histoire estonienne, de façon analogue, bien que moindre, à la place de la même occupation allemande dans l’historiographie ukrainienne, certains résistants à l’occupation soviétique s’étant compromis avec les allemands afin de poursuivre leur objectifs initiaux. Il serait néanmoins injuste et incomplet de ne pas mentionner l’importante résistance qu’il peut y avoir eu notamment en ce qui regarde la continuité de l’état indépendant légal et démocratique estonien que les allemands venaient de bafouer de la même façon que les soviets.  Néanmoins, lorsque la guerre tourna en faveur du camps allié, c’est bien l’Union Soviétique qui repris le contrôle de l’Estonie et qui l’occupa jusqu’à la restauration de la République Estonienne en 1991, bien que dans les années 50 des partisans de l’indépendance des pays baltes menèrent une importante guérilla contre les forces soviétique.  L’annexion par l’URSS des pays baltes n’ayant pas été reconnue, la république d’Estonie ainsi en exile avait pu maintenir un réseau diplomatique important permettant d’affirmer une légitimité, afin qu’au moment de la chute de l’URSS, ce ne soit pas tant une prise d’indépendance qu’une restauration de celle-ci après une période d’occupation.  Celle-ci se fit dans des conditions pacifiques au travers de la « Révolution Chantante » où les citoyens des trois pays baltes s’unirent dans une chaine humaine en changeant les chants traditionnelles de leurs pays afin de réclamer leurs indépendances (il est interessant de noter que les chants traditionnels sont souvent un puissant outil d’indépendance et de résistance nationale) ce qu’ils finirent ainsi par obtenir, rejoignant ensuite nombres d’institutions européennes et internationales et ouvrant la deuxième période d’indépendance pour l’Estonie.  C’est ainsi, par une action collective international, que les estoniens sortirent de l’occupation et il ne fait pas de doute que cette idée de communauté internationale fait depuis partie intégrante du logiciel géopolitique estonien qui s’est pleinement inséré dans une vision collective de la sécurité et donc par là de l’indépendance européenne.  Retrouvant son indépendance l’Estonie a su redévelopper une économie avancée sur des bases fortement libérales et une démocratie parlementaire qui se rapproche de son modèle nordique. Les tensions avec la Russie ont pu continuer, l’Estonie ayant subi de nombreuses cyber- attaques par des groupes nationalistes russes qui voient d’un très