16/04/2024

Le Système électoral américain: philosophie et polémiques.

Alors que nous venons de passer le Super Tuesday des primaires pour les élections américaines de 2024, et que Trump et Biden ont tous deux accumulé assez de délégués pour être les candidats de leurs partis respectifs, beaucoup de personnes restent encore confuses devant la complexité du système électoral américain.

Ce dernier, avec ses délégués, ses grands électeurs, ses caucus et ses deux partis quasiment institutionnels, peut, en effet, laisser un Européen, habitué à la simplicité de mettre un bulletin papier unique dans une urne pour élire un représentant direct, plutôt confus.

La confusion est d’autant plus grande que les différences sont certaines avec les modes de scrutin européens, mais aussi par la très grande polarisation de la politique américaine, chaque camp diabolisant l’autre et remettant même en cause leur victoire électorale, ce qui peut rendre difficile la compréhension par un néophyte de la politique américaine, où les questions relatives au système électoral constituent un contentieux important entre les deux protagonistes républicains et démocrates qui se déchirent et critiquent durement, l’un et l’autre, dans leurs luttes politiques et institutionnelles dont nous ne percevons finalement ici qu’un écho lointain.

Ce système pourtant a, sans avoir subi quasiment aucune révision mis à part l’agrandissement du corps électoral, organisé la démocratie américaine depuis plus de 200 ans et constitue un des blocs fondateurs de l’identité républicaine étasunienne.

Ce système fonctionne sur trois postulats philosophiques et juridiques :

-Le Peuple est souverain et doit rester le maître de sa propre destinée,

-Les États-Unis sont une fédération d’États égaux bien qu’ayant des populations ou des proportions différentes.

-Une République pour fonctionner doit réaliser un équilibre entre souveraineté populaire, respect des institutions et respect des droits pour tous, par conséquent, il faut, comme l’a décrit Tocqueville, éviter la tyrannie de la majorité.

C’est ainsi que le complexe système électoral étasunien s’est formé en fonction de ces trois postulats, donnant naissance à des institutions telles que le Collège Électoral mais aussi expliquant les très grandes différences régionales quant au mode de scrutin.

Tout d’abord, il est important de comprendre le fonctionnement et les visées du Collège Électoral.

Ce dernier est la réunion des grands électeurs en vue d’élire le Président et le Vice-Président (ce dernier faisant aujourd’hui l’objet de sa propre élection mais était, au début de la république, sélectionné comme étant le deuxième candidat à la présidence ayant récolté le plus de voix, chaque électeur ayant à l’époque deux voix chacun de façon à ce que soit facilitée l’élection unanime de George Washington) et est composé de grands électeurs représentant les États.

Le nombre de grands électeurs d’un État est attribué proportionnellement à sa population (de manière similaire à la détermination du nombre de représentants au Congrès), de façon à garantir à chaque État une représentation équitable au Collège Électoral, toutefois, certains territoires, bien que n’étant pas un État, comme Washington DC, possèdent des délégués alors que d’autres territoires, comme Puerto Rico ou les îles américaines du Pacifique, ne sont pas encore représentés au Collège Électoral (bien qu’ils soient représentés aux conventions des partis lors des primaires).

Le nombre de représentants au Congrès, qui détermine le nombre de grands électeurs par État, est composé des deux sénateurs par État, de façon égale, et d’un nombre variable de représentants à la Chambre, élus pour deux ans, dans des districts électoraux, en fonction de la population, et non du nombre stricto sensus de citoyens, d’où l’importance des enjeux de l’immigration qui font gonfler le nombre d’habitants dans les zones démocrates et donc leur nombre de représentants au Congrès comme l’illustrent les batailles concernant le recensement en 2020 entre Républicains, qui ne souhaitaient recenser que les citoyens, et Démocrates, qui ont réussi à s’imposer sur la question, qui voulaient que ce recensement s’étende aussi aux “non-documentés” habitant leurs villes, sujet brûlant d’actualité qu’Elon Musk a récemment médiatisé hors des cercles purement républicains.

Le choix des grands électeurs est laissé à la discrétion des États dans la Constitution.

Autrefois, les Sénats de chaque État choisissaient les grands électeurs mais aujourd’hui le suffrage universel est la règle pour tous les États, bien que le mode de scrutin pour désigner les grands électeurs puisse différer légèrement d’un État à l’autre.

Les grands électeurs ne sont pas des personnes forcément médiatisées, ceux-ci sont souvent tenus par la loi de rester fidèles au vote pour lequel ils ont été mandatés par l’État (et donc par le Peuple) lors du collège électoral, et généralement sur le bulletin de vote, le nom du grand électeur n’est pas affiché, ou alors en petit, et est mis en avant plutôt le nom du candidat à la présidence.

Le vote des grands électeurs doit être entériné par le Congrès présidé par le Vice-président, statutairement Président du Sénat, manière symbolique de confirmer le nombre de grands électeurs ralliés au nouveau Président élu (President Elect), mais face aux nombreuses controverses qui entourèrent les élections de 2020, c’est ce processus d’entérinement que le président Donald Trump, alléguant une tricherie au bénéfice des Démocrates, tenta d’arrêter en sollicitant le Vice-Président Mike Pence, qui refusa.

C’est ainsi, dans le cadre de ce processus électoral américain, malgré les appels du président Trump à sa base à “ne pas entrer dans le Capitole et à manifester leur colère de façon pacifique et patriote”, qu’eurent lieu les émeutes du 6 janvier, devenues un mythe fondateur pour l’opposition à Donald Trump, repris notamment par les Démocrates et la présidence de Joe Biden.

Il est tout de même à noter qu’aucune disposition constitutionnelle n’est prévue en cas de refus par le Congrès ou par le président du Sénat d’entériner un vote des grands électeurs, même pour un motif de tricherie avancé par un des deux camps, le Congrès n’ayant aucun pouvoir de refuser les grands électeurs sélectionnés par un État, au nom du droit des États et de la séparation des pouvoirs, mais prenant seulement acte de la décision du Collège Électoral concernant le nouveau ticket présidentiel gagnant.

Ainsi, la situation dans laquelle, avec l’intrusion de quelques manifestants dans l’enceinte législative, fut plongée l’Amérique par ces contestations électorales, fut inédite.

Aussi, car avant 2020 et les nombreuses réformes du mode de scrutin qui eurent lieu dans de nombreux États, les questions de possibles fraudes électorales, même dans des cas contestés comme l’élection de 1960 avec le rôle du crime organisé en Illinois au profit de J.F. Kennedy ou les contestations des élections de 2004 avec la contestation de la Floride au profit de G. Bush Jr.

En cas d’égalité entre les grands électeurs, un vote est organisé au Congrès suivant le principe d’une voix par délégation congressionnelle par État tandis que les sénateurs élisent eux-mêmes le Vice-Président, en sa qualité de président du Sénat.

Il y eut dans l’histoire plus ancienne trois de ces “élections contingentes”, Thomas Jefferson fut d’ailleurs élu à travers une.

Ces électeurs sont le plus souvent choisis sous le principe du Winner Take All : les grands électeurs de l’État étant tous attribués au candidat gagnant, mais certains États ont un autre système permettant de diviser les grands électeurs, c’est le cas du Maine et du Nebraska où les électeurs sont répartis entre districts électoraux.

Pour être candidat à la présidence, il ne suffit pas comme en France d’avoir 500 signatures, il faut pouvoir s’inscrire dans chacun des États en proposant des candidats à la charge de Grand Électeur, renforçant d’ailleurs le statut quasi institutionnel des deux grands partis, Démocrates et Républicains, qui eux, ont les ressources et les réseaux nécessaires pour l’échelon fédéral.

Ainsi, les primaires de ces deux grands partis sont parties intégrantes du système électoral américain, bien que n’étant pas régi par la Constitution en dépit de leur rôle quasiment officiel, il est donc important pour comprendre les enjeux des élections américaines de savoir comment ces primaires fonctionnent.

Comme pour les élections générales, les primaires sont des élections indirectes pour choisir des délégués qui seront envoyés à la convention nationale du parti pour ensuite voter afin de donner la nomination officielle du candidat par le parti, le candidat-Président choisissant ensuite par lui-même le vice-président qui figurera sur son ticket généralement lors de cette convention.

Ce système de primaire a ainsi pour vertu, outre le fait de permettre au candidat d’arpenter le pays avant les générales afin de se faire connaître et entendre, de concentrer en une seule personne la représentation d’une tendance américaine, conservatrice ou progressiste, en les fédérant du même coup, en faisant choisir au Peuple et non pas à un appareil partisan ce candidat qui doit représenter au moins une moitié de l’opinion américaine.

Les deux grands partis étant donc, ou tout du moins ont été jusqu’aux évolutions politiques et la radicalisation des oppositions, des “grandes tentes” capable de rassembler sous leur chapiteau toutes les nuances de leur camp.

Ainsi les républicains (GOP) réunissant des libertariens, des conservateurs évangélistes, des libéraux-conservateurs, des populistes nationaux et des néo-conservateurs qui étaient représentés par Nikki Haley durant cette primaire et qui, jusqu’à l’arrivée de Donald Trump, constituaient le cœur du parti, les démocrates quant à eux rassemblant des libéraux de gauche, des syndicalistes, des représentants des minorités (bien que cet électorat soit de plus en plus disputé par le GOP) des sociaux-démocrates et des socialistes, des néo-libéraux et des progressistes.

Les deux partis sont néanmoins de plus en plus critiqués pour le fait que les nuances tendent à s’effacer, ainsi par exemple le départ de la modérée Tulsi Gabbard du parti Démocrate suite aux primaires de 2020 au cours desquelles la direction du DNC (Convention nationale démocrate, l’instance chargée d’organiser les conventions) avait directement agi contre elle, ou encore chez les Républicains, les critiques du camp centriste “never trumper” que représente Mitt Romney, candidat malheureux à la présidence en 2012, ou encore le clan Cheney qui déplorait la mainmise totale du courant MAGA sur le parti aujourd’hui.

En dépit de ces critiques, les deux partis restent les fondements de la politique américaine et on assiste même, en corollaire à cette perte de nuances internes, d’une certaine façon, à une radicalisation du sentiment d’appartenance à ces deux blocs fondateurs.

Il y a néanmoins, bien que ce soit compliqué, la possibilité de se présenter en indépendant, ce qui nécessite de s’inscrire dans chaque État.

Ainsi, pour les élections de 2024, Robert Kennedy Junior, après avoir tenté de se présenter à la primaire du parti Démocrate, parti de son clan politique qui a vu son oncle être élu président en 1960 et dans lequel nombre des membres de sa famille ont brillé, a décidé, signe de défiance envers le bipartisanisme, de se présenter en indépendant.

Sa candidature, si elle parvient à se concrétiser par une inscription au niveau fédéral, et qu’il parvient à se faire reconnaître par les deux candidats comme un rival potentiel, pourrait avoir un impact significatif, notamment en Nouvelle-Angleterre où le vote des républicains “never-trumper” et des démocrates modérés ne souhaitant pas renouveler l’expérience Biden pourrait permettre d’arracher aux Démocrates un certain nombre de grands électeurs pouvant faire changer l’équilibre dans des élections qui s’annoncent très serrées.

Le précédent candidat indépendant qui avait fait parler de lui est le rappeur Ye (anciennement Kanye West) dont certains analystes estimaient qu’il aurait pu retirer certains électeurs à Donald Trump ou à Joe Biden dans certaines zones urbaines mais il n’avait pas réussi à s’inscrire dans suffisamment d’états et n’a récolté que 70 000 votes, n’ayant pas réussi à impacter la campagne comme escompté et restant dans les annales comme simplement une excentricité d’une star, qui, s’il a tenté de se présenter en 2024 aussi, ses problèmes psychologiques et son antisémitisme ont finalement eu raison de cette deuxième campagne qui aurait pu s’avérer plus catastrophique que la précédente, ne bénéficiant même plus de l’effet de la nouveauté ou d’un caractère sympathique comme la précédente.

Dans l’histoire relativement récente, des candidats de tiers partis ont néanmoins réussi à avoir un impact significatif, ainsi nous pouvons penser à Ross Perot, candidat du parti de la Réforme, prônant des positions modérées sur les questions économiques et sociétales mais aussi un protectionnisme avancé (soutenu par Donald Trump à l’époque), qui a réussi aux élections de 92 à emporter plus de 18% des voix du vote populaire sans pouvoir toutefois obtenir de Grand Électeur. Ses meilleurs scores furent dans le Maine et la Nouvelle-Angleterre, d’où les espoirs aujourd’hui de Robert Kennedy dans une époque où les partis centraux sont de plus en plus mal vus de l’électorat modéré.

Le dernier candidat indépendant à avoir obtenu des votes de Grands Électeurs au Collège Électoral est le controversé George Wallace, gouverneur de l’Alabama, démocrate dissident et malheureux à la primaire du parti.

Dans le but de maintenir la ségrégation dans le Sud, il met au point une stratégie qui s’avérera perdante.

Cette stratégie fondée sur les règles concernant les décomptes des Grands Électeurs, visait, en captant les voix des Grands électeurs du Sud par son réseau sudiste, à contrarier le choix d’un Président par le Collège Électoral et forçant ainsi le Congrès à trancher l’élection présidentielle par le mécanisme du défaut d’entente au Collège Électoral, prévu par la Constitution.

Cette stratégie avortant face à l’ascension de l’ancien Vice-Président d’Eisenhower, Richard Nixon, qui aurait remporté, même sans ce candidat dissident dans le camp adverse, les élections de 68 face au démocrate Humphrey, privé ou non des 46 grands électeurs allant au dissident de son parti.

Ces places stratégiques que peuvent avoir des candidats indépendants dans certains États, au moins hypothétiquement, montrent bien l’importance pour les candidats d’une stratégie pour chaque État car les États sont au cœur du système électoral étasunien.

Ainsi le rôle des “Swing States”, les “états pivots”, est particulièrement important.

Du fait de la bipolarisation du système américain, résultant en des lignes géographiques assez fermes entre urbains démocrates et ruraux républicains, de nombreux États sont fortement ancrés dans une tradition électorale d’un parti ou d’un autre.

Ainsi, aujourd’hui, la Côte Ouest est fortement démocrate (on va parler d’état “bleu”) du fait de la présence de grandes villes démocrates comme San Francisco, Los Angeles, Seattle ou Portland.

À l’inverse, par exemple, les États de montagne du nord des États-Unis sont profondément républicains (on parle d’état “rouge”) du fait que ces États sont très ruraux et donc plus conservateurs ou libertariens du fait de l’esprit pionnier.

Néanmoins, il existe des États à la sociologie plus contrastée où, par la persuasion, la mobilisation de secteurs clés de l’électorat (“voter turnout”) et l’actualité récente mettant en avant telle ou telle problématique, peuvent rejoindre l’un ou l’autre des deux camps (on parle alors d’état “violet”).

Ces derniers sont surtout des États du Midwest (à l’exception de l’Illinois qui, du fait de Chicago, est profondément “bleu” donc démocrate), ou des Appalaches, assez ouvriers, on parle généralement de la Rust Belt.

La Géorgie aussi est un état violet du fait de la présence contiguë d’électeurs ruraux et évangélistes et d’électeurs plus urbains liés à l’industrie du cinéma.

Autrefois, la Floride, terre de retraités des grandes villes, était un de ces états violets mais à présent, notamment du fait du gouvernorat de Ron DeSantis, est devenue un état “rouge profond” (“deep red”), bastion imprenable des républicains. À l’inverse du Texas qui devient de plus en plus violet, en raison de l’immigration démocrate en provenance de Californie, à Austin et à Dallas qui continuent de soutenir les mêmes genres de politiques que dans l’État qu’ils viennent de quitter, néanmoins, l’aspect présent des questions de défense de la frontière et le ralliement profond et massif au GOP de l’électorat latino font que la transformation du Texas en “état bleu” n’est pas pour demain, d’autant plus que les démocrates ne peuvent y retrouver leurs bases électorales dans tous les comtés notamment par son étendue (le plus grand de l’Union) et le nombre de comtés ruraux toujours fortement républicains par leur sociologie et par les questions relatives à la frontière Sud et au soutien au deuxième amendement.

La question des swing states est plus que centrale, ainsi pour beaucoup d’analystes, le refus d’Hillary Clinton de faire campagne en Pennsylvanie et dans plusieurs états du Midwest, qu’elle pensait acquis dans une élection qui lui était vendue comme gagnée d’avance, aurait particulièrement joué dans sa défaite, le discours et le programme de Donald Trump sur le protectionnisme, le patriotisme américain et l’opposition aux positions internationales guerrières néo-conservatrices auraient, a contrario, particulièrement résonné dans l’électorat ouvrier de ces États qui avaient souffert des délocalisations et de nombreuses politiques économiques de l’administration précédente de Barack Obama.

Trump a réussi ainsi l’exploit, en s’adressant directement à cet électorat qui autrefois érigeait le Midwest en “mur bleu” (par exemple, même face à la déferlante Reagan, le Minnesota était resté fidèle au Démocrate Mondale qui fut sa seule source de grands électeurs avec Washington DC, toujours imperméable aux Républicains), de créer de nouveau swing states et d’ouvrir la base républicaine aux anciens ouvriers désaffectés qui, autrefois, ne votaient pas pour ce parti associé au côté business de l’élite des deux Côtes, en réorientant le parti vers une nouvelle optique protectionniste et “populiste” dans une direction contraire aux Country Clubs Républicains de la période Bush.

Au-delà de ces questions programmatiques, par la bipolarisation de l’électorat et du système, faire campagne dans ces swing states est particulièrement important pour la mobilisation électorale, et entraîner ce fameux “voter turn out” qui peut tout changer.

Les deux partis ont ainsi, face à cela, des stratégies différentes pour s’assurer d’une plus grande mobilisation de leurs électeurs et qu’ils se déplacent aux urnes quand il le faut.

Les démocrates ainsi peuvent compter sur le soutien de la quasi totalité des célébrités américaines ralliées à leur cause qui tentent de mobiliser leurs fans pour voter, d’où, par exemple, l’inquiétude quasi-paranoïaque que l’on a pu constater en ligne chez certains républicains à l’approche du super bowl 2024 quant à la possibilité d’un soutien à Biden en live durant l’événement de la part de Taylor Swift.

Les républicains, quant à eux, cherchent à favoriser de “voter turn out” à travers les problématiques et les mouvements locaux (“grassroots”) sur les causes conservatrices, en jouant sur des réseaux de proximité.

Ainsi, les questions scolaires et d’opposition à la “théorie du genre” sont particulièrement clés pour mobiliser le vote des mères de famille de banlieue pour les républicains dans un pays où les associations de parents d’élèves ont un statut presque politique et institutionnel.

Les républicains espèrent aussi compter sur le désenchantement de la frange la plus à gauche de la coalition démocrate, notamment les soutiens de Bernie Sanders et du Squad (un regroupement d’élus au Congrès très à gauche) face à Biden qui pourraient ne pas se mobiliser cette fois-ci bien que l’idée de “vote blue no matter who” (“votez démocrate qu’importe le candidat”) soit fortement ancrée dans l’inconscient de la gauche américaine.

Un autre phénomène ayant potentiellement un impact est celui que les démocrates appellent le “voter suppression”, accusant les républicains d’empêcher certaines parties de la population de voter, comme les démocrates le faisaient très bien eux-mêmes durant la ségrégation, Joe Biden ayant même qualifié ces lois des républicains imposant une pièce d’identité pour voter de “Loi Jim Crow 2.0” en référence aux lois qu’avaient imposées les démocrates dans le Sud pour empêcher les Afro-Américains de voter après la guerre civile et la reconstruction dans le sud ségrégationniste.

Ces questions touchant le système électoral furent le champ de bataille principal des précédentes élections.

Ainsi, il est important de garder en tête que la façon dont on vote dépend de l’État et reste, dans de nombreuses localités, très différente des autres pays démocratiques.

Ainsi, si en France la modalité de voter est la même depuis au moins le Second Empire : on présente son identité et on montre que l’on est inscrit sur les listes électorales sur lesquelles on figure automatiquement à 18 ans puis on glisse un papier dans l’urne après l’avoir mis dans une enveloppe dans l’isoloir le jour même de l’élection, le dimanche, ou bien on donne à une personne de confiance, une procuration pour qu’elle exécute le même rituel en notre nom. Aux États-Unis, ce rituel démocratique est ainsi relatif aux localités mais aussi remis en question politiquement.

Ainsi, les démocrates, afin de lutter contre ce qu’ils appellent “voter suppression”, par exemple, s’opposent radicalement au fait de devoir montrer une pièce d’identité pour voter ou toute autre pièce de citoyenneté (estimant même pour certains qu’il ne devait, dans le droit de vote, y avoir aucune différence entre citoyen “officiel” et citoyen “non-documenté”, euphémisme moderne pour désigner les nouveaux arrivants dans le pays et n’étant pas passés par la procédure habituelle bien qu’il soit un crime fédéral depuis 96 de voter à une élection fédérale en tant que non citoyen).

Récemment, les démocrates ont fait une proposition afin d’assurer des matériels de vote bilingues et favoriser l’information et l’accompagnement au vote à la Chambre des Représentants où un républicain face à ce texte rajouta un amendement, rejeté car considéré comme redondant par les démocrates, pour stipuler que les immigrés de façon clandestine et non citoyens n’étaient pas concernés par cela et ne pouvaient pas voter.

Néanmoins, plus tard en commission de très nombreux démocrates refusent de répondre sur le fait de savoir si les “citoyens non documentés” devraient être interdits de voter ou non, lançant le débat sur la question mais aussi sur la mise en place d’un jour unique pour l’élection, favorisant une élection sur plusieurs mois, et ayant saisi le prétexte du covid pour mettre en place ces mesures.

De plus, les démocrates favorisent des modes de scrutin différents de celui que l’on connaît bien (celui du bulletin papier dans l’isoloir et dans l’urne), favorisant des méthodes comme le vote électronique mais aussi les très controversés “mails in ballot”, les “bulletins postaux”, qui furent au cœur des recours pour tricherie en 2020 et qui en France sont interdits depuis longtemps.

De ces pratiques découlent aussi ce que l’on appelle le “ballot harvesting”, la “moisson aux bulletins”, qui consiste via le vote postal à dépêcher un officiel du parti dans les quartiers pour récupérer de nombreux bulletins puis à les poster lui-même, pratique extrêmement controversée pour les républicains.

Le mode d’élection et le système électoral étant ainsi lui-même un enjeu électoral, les républicains souhaitent un encadrement strict “à l’européenne” tandis que les démocrates disent que cela reviendrait à du “voter suppression” et serait teinté de racisme.

Pour les démocrates, la proposition des républicains d’imposer des lois sur la présentation d’une carte d’identité pour voter (comme en Europe), bien qu’une carte d’identité soit demandée pour de nombreuses démarches quotidiennes comme faire un crédit, conduire son véhicule ou même acheter de l’alcool, sans que cela ne soit remis en cause pour autant.

Ces débats seront toujours aussi présents notamment au regard de la crise migratoire actuelle qui, selon les républicains, favorise les démocrates dans le sens où, leurs promesses de régularisation et par le caractère extrêmement ouvert du scrutin, peuvent faire en sorte que les immigrés arrivés clandestinement puissent constituer une masse, voire une manne, électorale primordiale pour le camp démocrate.

Débats vraiment exotiques en Europe où la façon de voter n’a jamais été remise en question ni été jamais accusée d’aucun vice moral.

Enfin, il est à noter que les Américains votent sur plus de sujets et pour plus de postes que les Européens, particulièrement les Français, et qu’ainsi les élections générales, et celles de mi-mandat les entourant, sont à chaque fois un événement fondamental, dans le sens où non seulement cela en une seule fois impacte le Sénat, la Chambre des représentants et la présidence mais aussi un grand nombre de postes locaux, gouverneurs, congrès d’État, maires, présidents des parents d’élèves, juges et même parfois jusqu’au représentant du ramassage d’ordures municipal, allant parfois jusqu’à des référendums locaux, ainsi en dépit de sa complexité structurale et des controverses récentes sur le scrutin, la démocratie en Amérique, de par son balancement institutionnel mais aussi l’étendue que recettent les élections, qui sont à plus haute fréquence qu’en Europe et qu’en France, donnent d’une certaine façon un vrai sens au premier mot qui caractérise la constitution : “We The People”.

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