Le monde occidental, s’il a connu une période de domination mondiale au cours des deux siècles précédents, n’est pourtant plus le seul axe des conflits et tensions majeures, les vielles civilisations qui ont imprimé l’humanité de leurs innovations dans les siècles et millénaires ressurgissent et se réaffirment comme puissances inévitables, entendant bien donner un nouveau rythme à la politique mondiale.  Ainsi, aujourd’hui, l’Inde et la Chine sont les pays les plus peuplés, à eux seuls, ils représentent quasiment ¼ de la population terrestre, les deux sont des puissances nucléaires, tous deux connaissent des bouleversements économiques importants, tous deux entendent construire un nouvel avenir moins occidentalo-centré et surtout les deux représentent de très vieilles civilisations dont l’histoire riche et profonde s’étend jusque dans la plus haute antiquité et auxquelles l’humanité doit des innovations majeures qui ont éclairé les âges.  L’Inde comme la Chine renouent avec ce passé plurimillénaire, parfois de façon que nous ressentons comme illibéral voir totalitaire dans le cas Chinois. L’Inde et la Chine se sont mutuellement influencées depuis l’aube des temps. Les religions indiennes étant arrivées en Chine par les routes de la soie, fondant avec les traditions philosophico-politico-religieuse chinoises un syncrétisme qui sera responsable de la spiritualité chinoise jusque de nos jours. La très longue histoire de ces deux civilisations fut, en dépit de leur taille, de leur importance, de leur influence et de la nature expansionniste et impérialiste de certains régimes qui on prit racine dans ces deux régions, des relations essentiellement pacifiques jusqu’à l’époque moderne où les lignes civilisationnelles peu claires qu’il peut exister entre les deux états dans les peuples himalayens, toujours tiraillés culturellement entre des acceptations à la foi sinisante (ou tout du moins tibétisantes) et indianisantes. L’Empire Britannique venant apporter des frontières politiques tangibles dans ces régions de confins aux contours flous qui n’étaient ni la priorité des Mogols ni du Huangdi.  C’est la ligne McMahon que les Britanniques ont tracé avec les Tibétains durant leur brève période d’indépendance de celui-ci et la Chine de Yuan Shikai. À noter qu’avant l’unification indienne, les Sikhs ont affronté l’Empire Qing pour leur reprendre le contrôle du Ladakh au Tibet, cet affrontement est encore à la racine des tensions territoriales actuelles autour de l’Aksai Chin que l’Inde considère comme appartenant au Ladakh et la Chine comme appartenant au Xinjiang et au Tibet.  La fin de l’empire en Chine, avec le lot de renouveau politique et culturel, mais aussi avec la lutte pour l’indépendance indienne, fut l’occasion de grands rapprochements politiques et surtout intellectuels entre les membres de ces deux grandes civilisations. Ainsi, historiquement, en dépit de toutes les relations entre Chine et Inde, leurs relations étaient plus marquées par la paix et l’échange que la guerre, les grands penseurs des deux pays notant d’ailleurs plus les points communs entre les deux que d’éventuels points de contention jusqu’à aujourd’hui où, au contraire, les tensions intellectuelles sont très palpables, notamment du côté indien. Néanmoins, ces deux « états-civilisations », en dépit de tous leurs points communs, sont l’un vers l’autre dans une position d’opposition très radicale. Si l’Inde est bel et bien par définition tournée plus vers son opposition envers le Pakistan (bien qu’aujourd’hui la Chine la préoccupe davantage) et que la Chine, quant à elle, regarde de l’autre côté du détroit, vers Taïwan et vers l’autre côté du Pacifique, vers les États-Unis pour trouver son principal rival, le fait est que les deux pays, qui ont connu la guerre entre eux, sont dans une phase d’affrontement et de rivalité tout à fait importante dans laquelle l’Occident joue un rôle.  En effet, de nombreux affrontements territoriaux rajoutent des tensions entre les deux pays, que ce soit en mer ou à leur frontière commune. L’Occident, dans sa lutte contre la Chine, voit ainsi dans l’inde un partenaire de choix potentiel et la Chine, en dépit de ses affrontements, ne peut s’empêcher de voir en l’Inde une opportunité stratégique tant les deux seront amenés à prendre de la prééminence dans les décennies à venir au détriment des vieilles puissances. Plusieurs sujets viennent en tête en ce qui regarde les relations actuelles entre l’Inde et la République Populaire de Chine. Tout d’abord, les grandes tensions aux frontières. En effet, deux régions du territoire sont contestées par la Chine, et des affrontements ont lieux encore très récemment entre soldats des deux puissances. Comme nous l’avons vu précédemment, deux régions sont au cœur de ces luttes : les régions frontalières du Ladakh et du Sikim.  En 2020 plusieurs affrontements ont eu lieu dans ces régions, il y eu des affrontements au corps à corps entre soldats chinois et soldats indiens, mais aussi des échanges de feu et des captures de prisonniers. La Chine s’était aventurée plus en profondeur dans ces régions avec leurs stratégies d’encerclement progressive, profitant du fait que la région soit peu répertoriée et ne requiert pas toute l’attention du pouvoir fédéral indien. La Chine a lancé de multiples incursions, car le gouvernement indien, entrepreneur de nouvelles politiques d’infrastructure dans ces régions que la Chine, considérait comme menaces envers sa souveraineté. L’Inde a ainsi perdu du terrain durant cette période d’escarmouches dans la région, ce qui a été mis sur le compte d’une méconnaissance des spécificités de celles-ci dont la couleur culturelle est plus proche du monde tibétain que de la culture indienne aryo-dravidienne.  La proximité de l’Inde avec le peuple tibétain, voisin géographique et descendant spirituel via le bouddhisme, participe grandement de ces tensions, l’Inde étant la terre d’accueil du Dalaï Lama et du gouvernement tibétain en exil, et il est donc important pour la Chine, qui souhaite affermir sa domination sur le Tibet, de garder une grande proximité avec les régions tibétophones des confins de l’Inde qui peut servir de base arrière à des mouvements nationalistes tibétains contre le pouvoir Han du PCC.  Ainsi la guerre sino-indienne de 1962, au temps de Nehru et Mao, a, outre les luttes territoriales à proprement parler, comme casus belli la présence du Dalaï Lama en Inde. Cette guerre beaucoup plus ouverte que les